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Paulette Jaladieu
12 juillet 2012

La guerre de 1939 1945

Arrive 1939 et la guerre.

Gustave fut mobilisé et partit dans l’est.

La mémé envoya Lucile à Rabastens pour aider Simone à la boucherie. C’est à ce moment que Lucile fit la connaissance de José Berthomieu qui deviendra après la guerre, international de rugby à 13.

Comme Simone et lucile éprouvent des difficultés à faire fonctionner le commerce, votre père part à Rabastens, ferme la boucherie et ramène chez lui à Toulouse Lucile , José Berthomieu et sa soeur Simone avec ses deux enfants Jeannot et Robert..

Votre père avait gardé des relations dans l’armée car nous fournissions le pain au mess de la caserne.

Il les fait entrer, tous les trois à l’usine d’aviation de Montaudran.

Ils participent à la construction des avions militaires après avoir appris à poser des rivets.

Jeannot et Robert sont inscrits à l’école du quartier. Jeannot a d’ailleurs passé son certificat d’études à cette époque.

Le jour de l’invasion de la Belgique, Jeannot et Robert faisaient leur première communion.

C’était un dimanche et nous avions mis la table dans le magasin pour le dîner. Drôle de fête, nous n’avions plus envie de rire.

Dans les années 41, 42 votre père faisait marcher de la boulangerie mais aussi avait été recruté par la Résistance.

Après le début de la guerre et l’invasion par les allemands du nord de la France, Gustave a été démobilisé et ils sont tous repartis à Rabastens.

Puis vinrent les années dures. Le pain rationné, les tickets, les contrôles, les jours de fermeture.

Nous jonglons au milieu de toutes ces lois imposées mais votre père se débrouille plutôt bien.

Ce n’était pas tous les jours facile de servir les clients qui faisaient la queue devant le magasin, mécontents des rations.Pourtant, nous prenions des risques pour leur en fournir le plus possible.

Nous avons triché de façon inouï mais nous avons toujours eu la chance de passer au travers. Beaucoup d’autres collègues commerçants ne s’en sont pas tirés aussi bien que nous. Il faut dire que votre père prenait beaucoup de risques mais était très efficace.

Il avait des amis partout, dans l’armée, à la caserne, à la préfecture mais aussi dans la police, rue du rempart Saint Etienne car il faisait partie du groupe de résistant organisé autour de ce commissariat.

Pendant toute la durée de la guerre, il s’est débrouillé pour pouvoir utiliser une petite voiture la Rosalie.

Quant à la traction Citroën elle était cachée sous un tas de bois chez un voisin en face de chez nous etelle est ressortie pour la première fois à la libération pour installer le premier préfet que nous a envoyé la Résistance de Paris.

C’est à cette occasion que nous avons été invités au bal de la préfecture.

Une couturière m’avait confectionné une robe avec un tissus de soie de Chine que m’avait donné une cliente. Elle pesait 180 grammes. C’est cette fameuse robe qui s’est envolée, sur la route en montant à Paris après la libération en 1945.

Nous avions attachés les valises sur le porte bagages. Il y avait votre père, moi-même, Christian, Henri et Robert.

C’est l’année où votre père et Robert tiraient sur les pigeons dans les arbres, rue Caulincourt.

Les clientes du magasin étaient scandalisées et avaient dit : » Mais qu’est-ce qu’elles vous ont fait ces petites bêtes » avec l’accent parisien, ce qui a toujours fait rire toute la famille.

Revenons en arrière, en 1940.

Au début de la guerre votre père, tout en s’occupant de la boulangerie, s’est engagé dans la Croix rouge.

L’invasion allemande commence, pas pour nous dans le sud mais dans le nord c’est la débâcle.

D’abord les belges arrivent en masse à Toulouse. Avec la Croix rouge, on les place où on peut, on les aide, on les nourris.

Et puis arrivent la famille du nord.

Tante Angèle quitte Lille avec sa fille Lucienne pour aller à Carmaux. L’oncle Maurice Coustenoble, qui avait fait la guerre de 1914, n’a pas voulut fuir. Il dit à sa femme Angèle qu’il restait pour se battre.

Paris était bombardé. Mon père et le tonton Perrin, son beau frère, sont nommés Chefs d’ilots.

Cela consistait à vérifier que les gens descendaient bien dans les abris au moment des alertes quand les sirènes sonnaient.

Je demandais à plusieurs reprises à mes parents de descendre vers le sud. La tante Dorothée était déjà descendue à Bougnounac chez sa sœur Anaïs.

Mon père ne pouvait pas quitter Paris puisqu’il faisait partie de la défense passive.

Ma mère qui avait appris que son fils Henry, blessé à la jambe, était dans un hôpital à Compiègne ne voulait pas partir, le sachant là.

Ils sont partis au dernier moment, tout d’abord en train puis à pied car le train avait été bombardé.

Dans la pagaille du départ, ils ont perdus le tonton Perrin puis l’ont retrouvés un peu plus loin sur la ligne à une autre gare.

Ils sont arrivés à Orléans et là ils sont descendus du train pour traverser la Loire à pied. Le pont était déjà miné par les allemands et il a explosé peu de temps après leur passage.

Un peu plus tard, sur la route leur colonne de réfugiés a été plusieurs fois mitraillée par des aviateurs italiens. Lorsqu’ils les entendaient approcher, ils se couchaient dans les fossés.

A ce propos, ma mère m’a raconté que mon père lui avait donné un coup sur la tête avec sa valise car il trouvait qu’elle dépassait du fossé.

Ils ont erré sur les routes pendant près de 8 jours au milieu de soldats, de civils, d’enfants et d’animaux.

Ma mère avait emporté des biscuits et un jour elle les a échangés à des soldats contre des bandes qu’elle s’est mise autour des pieds car elle avait des ampoules.

Finalement ils ont été rattrapés par les allemands près de Vierzon à 280 kilomètres de Paris.

Comme mon père était relativement vieux, mal rasé et surtout infirme avec son accident au bras, ils ne l’ont pas fait prisonnier.

Ils leur ont seulement ordonné de retourner sur Paris après leur avoir donner de quoi manger.

Mon père a ramassé une brique tombée d’un toit, l’a lavé à l’eau d’un puit, et a fait la queue pour obtenir une ration de riz en se servant de la brique comme assiette.

Puis ils ont fait demi-tour vers Paris, tout d’abord à pied puis en voiture avec des chevaux.

En effet, comme mon père par son métier connaissait bien les chevaux, il alla voir les fermes environnantes.

A cause de la débâcle elles étaient toutes abandonnées. Dans l’une d’elles, il a trouvé une charrette et des chevaux dans un champ. Il en a attelé un et ils sont tous remontés à Paris en charrette.

Aux portes de Paris mon père a laissé son attelage dans une ferme et en échange on leur a offert du lait pour déjeuner.

De retour à Paris ils ont retrouvé intactes leur maison ainsi que la boutique du tonton Perrin.

Tout cela nous a été raconté plus tard lorsque le courrier a été rétabli.

 

Par contre Angèle et Lucienne ont réussi, après bien des aventures, à rejoindre Carmaux.

 La débâcle de l’armée était complète.

Le régiment de votre père était bloqué à Dunkerque mais lui était resté à Toulouse car suite à son accident de voiture et au fait qu’il était handicapé du bras, il n’avait pas été mobilisé.

Georget, le mari de Lucienne, apprenant qu’elle était arrivée avec sa mère à Carmaux, n’a pas voulut embarquer à Dunkerque. Il a donc quitté l’armée avec un de ses camarades de régiment. Ils ont volé des vélos et sont partis vers la Bretagne et de là sont descendus jusqu’à Carmaux.

Georges, mon cousin, avait aussi rejoint Carmaux avec un copain de régiment, De Ronseval qui plus tard devait épouser sa mère, la tante Daly.

Finalement, la famille s’en était bien sorti.

Le seul dont nous n’avions pas de nouvelle, c’était Maurice Coustenoble, le mari de tante Angèle.

Il a tout d’abord été capturé par les allemands mais il s’est évadé et a rejoint Lille.

Nous avons eu de ses nouvelles que bien plus tard car comme il était cheminot, il a utilisé le train pour envoyer des lettres à toute la famille, à Toulouse, à Paris et à Carmaux.

Dès qu’elle en fut informée, tante Angèle voulut rejoindre son mari à Lille.

Elle est donc remontée toute seule à Lille après avoir obtenu les différentes autorisations des allemands car à ce moment Carmaux se trouvait dans la zone libre, Paris dans la zone occupée et Lille dans la zone interdite.

Lucienne est restée à Carmaux mais son mari Georget est remonté à Lille.

C’est à cette époque que Lucienne a connu Faget et est tombée enceinte de Marie Martine.

Mais, comme Faget n’a rien voulu savoir et a épousé une riche héritière de Carmaux, Lucienne est remontée à Lille où Marie Martine est née.

Puis Georget, le mari de Lucienne est mort, très jeune.

Quelque temps après, Lucienne a épousé Wiki, qui est devenu l’un des musiciens du cirque Amar.

Il a reconnu Marie Martine et ensuite ils ont eu Marie Dominique.

 

 

Je viens de relire les notes sur mon enfance et ma famille que j’avais rédigé il y a quelques années et cela m’a donné l’envie de continuer le récit. (avril 1998)

 

…..Nous sommes pendant la Guerre…Angèle et Maurice sont à Lille qui est en zone occupée par les allemands. Tonton Maurice reprend son travail dans les chemins de fer et Tante Angèle sa petite boutique, une épicerie.

Ma mère et mon père sont à Paris, eux aussi en zone allemande. Ils transforment leur petit magasin en alimentation. Mon père reprend lui aussi son travail.

Le Tonton Perrin, le mari de Dorothée, la sœur de mon père reprend lui aussi son travail à Paris.

Il y avait des Allemands partout à Paris.

Nous à Toulouse nous étions sous le régime de Pétain . Nous n’étions plus en République .

Il y avait des contrôles et des tiquets pour tout : alimentation, Vêtements, etc.. Comme il n’y avait plus de cuir pour nos chaussures, on avait des semelles en bois.

Mais comme nous ne voulions pas baisser les bras, nous avons confectionné de belles semelles bien haute avec des dessus fantaisie qui claquaient sur la chaussée.

C’était une époque de grande rigueur. Tout était interdit ,les fêtes, les bals. Les programmes des cinémas étaient modifiés et censurés par les Allemands. Idem pour les journaux.

Nous avons commencé à trafiquer les postes de radio pour écouter la radio libre.

«  Paris ment !, Paris est Allemand ! » Dieu sait combien de fois nous avons écouté : «  Boum Boum Boum ici Londres… »

 La Loire était la ligne de démarcation entre la zone occupée par les Allemands et la zone sous le contrôle de Pétain….

 

Le récit s’est encore arrêté….

Suite du récit quelques années plus tard….(juin 2003)

 

Voyons si je peux encore écrire.

Henri et Christian sont venus pour l’enterrement de Papi Vella, sans Marie Claire ni Françoise.

J’ai été heureuse de les avoir tous les deux pour moi toute seule. Nous avons passé de bons moments.

Christian m’a demandé ou j’en étais de mes écrits. Il y a bien longtemps que j’ai laissé tomber. J’ai confié le cahier à Henri, ce qui fait que je ne sais pas ou j’en suis.

J’écris de plus en plus mal…déjà que ce n’était pas fameux avant…

Voyons d’après Henri, je me suis arrêtée au début de la guerre…

Je vais regarder mon vieil album de photos, celui que j’ai fait avec Papa quand il était au régiment . J’avais à l’époque comme appareil de photos une boite rectangulaire Kodak.

C’était un cadeau publicitaire pour les clients de chez Bonnafous.

Je me souviens que c’était une publicité pour les produits Santander , poudre d’élevage pour les cochons. C’était les premiers appareils portables et les photos étaient évidemment très petites et en noir et blanc. La couleur n’est apparue qu’après la guerre.

La guerre de 1939.

Elle nous a surpris en pleine joie depuis 1936. Je ne parle pas pour moi et Papa qui avions eu notre compte d’ennuis mais pour la majorité des gens.

On la sentait venir mais nous ne voulions pas la faire.

Les différentes classes de militaires étaient successivement rappelées . Papa avait dû faire un an de plus et puis il était rentré. Cela j’avais dû vous le raconter .Il était rentré en 1939 avant la déclaration de Guerre.

Il a été rappelé lors de la déclaration mais comme il venait d’avoir son accident de voiture ils ont retardé sa mobilisation. Quelques mois après, ils l’ont de nouveaux convoqué mais comme il était toujours handicapé il a été définitivement réformé.

La malchance de l’accident de voiture est devenue pour nous une chance puisqu’il n’est pas parti avec son régiment.

Son régiment a été anéanti à Dunkerque. Les Anglais ont été embarqués mais les Français sont restés sur le sable. C’était la débâcle.

De toute façon nous ne voulions pas nous battre. On nous avait appris que nos pères avaient fait la der des der , la guerre de quatorze. Nous étions heureux , alors pourquoi aller nous faire tuer. Nous étions antimilitariste à cent pour cent.

Malheureusement pour nous , les Allemands n’étaient pas de cet avis et nous l’avons vite compris.

Quelle débâcle ! Il faut la vivre pour comprendre.

Je vous ai déjà raconté les aventures de mon père, de ma mère et de la famille du nord qui sont retournés à Paris et à Lille.

Pour nous dans le sud, Pétain était au pouvoir. Tout est donc rentré dans l’ordre et dans le calme. Enfin en apparence . Nous étions en zone libre au sud de la Loire.

La France était divisée en trois zones. Une zone interdite au nord de la France. Une zone au nord de la Loire avec Paris, sous occupation Allemande et une zone au sud de la Loire sous le régime de Pétain avec Vichy comme capitale.

Son premier acte fut de dissoudre la République qui fut remplacée par l’Etat Français le tout avec une nouvelle monnaie à l’effigie de Pétain. Il créa tout de suite des milices pour le seconder.

En plus nous devions nourrir les Allemands qui nous prenaient tout. Ou plutôt nous devions tout leur donner avec le sourire, en particulier le blé pour le pain.

On avait des cartes de rationnement pour s’approvisionner en tout, pain, viande, sucre, café , vêtements, chaussures.

Les femmes et les hommes devaient travailler dans les usines pour nourrir les allemands qui étaient au combat.

Nous , les Français, nous avons compris que si nous ne faisions rien, personne ne nous sortirait de là. Ce n’était pas facile de résister mais nous n’avions plus rien à perdre.

Tout était interdit mais tout était bon pour s’amuser. On se réunissait le soir entre voisins et on dansait au son de l’accordéon.

Nous avons aussi organisé la débrouille contre le gouvernement de Vichy et les allemands.

Le plus gros problème pour nous, boulanger était le rationnement de la farine pour faire le pain. Nous avions des cartes d’alimentation qui limitaient les rations de pain par jour en fonction de l’age. 200g pour les vieux et les enfants, 350g pour les travailleurs et 250g pour les autres. Nous mettions les cartes sous enveloppe de 135 kg et nous avions droit à 100 kg de farine. Une enveloppe était facilement contrôlable.

Mais que pouvez-t-on faire ? laisser les gens venir nous insulter parce qu’ils n’avaient pas assez de cartes et qu’ils avaient des enfants à nourrir ?

Alors dans les enveloppes on remplaçait les cartes par des petits bouts de papier en espérant ne pas être pris en faute car les minotiers eux aussi, étaient très surveillés.

C’est là que Papa s’est débrouillé, sans rien dire. Il était en relation avec la police de la rue du rempart saint étienne.

Il s’est tout d’abord arrangé avec les agriculteurs qui au moment des réquisitions, cachaient du blé et nous le vendaient sans contrôle.

Gustave récupérait des cartes en échange de la viande qu’il procurait aux habitants de Graulhet dans le Tarn et nous les faisait passer.

Il arrivait à la gare Matabiau au risque d’être intercepté par la police. Cela a duré un certain temps puis le gouvernement a changé la couleur des tickets par départements.

Alors Papa est entré en contact avec des employés de la préfecture et nous avions notre lot de cartes. Que faisait-il en retour cela ne me concernait pas.

Je sais qu’il partais le soir en voiture mais il ne me parlait de rien.

Nous avions deux voitures qui auraient du être réquisitionnées.

La traction était cachée chez Marfaing et la tante Rachel, sous un tas de bois en face de chez nous. Elle n’est sortie que pour la libération. Elle a servi à emmener le nouveau représentant de De Gaulle à la préfecture de Toulouse. Mais grâce aux amis de Papa à la préfecture nous avions des papiers officiels pour la rosalie et nous pouvions circuler en toute légalité.

Il y eu quelques nuits où nous avons eu peur d’être arrêtés. Beaucoup de nos amis boulangers l’ont été, nous avons eu beaucoup de chance à cette époque.

Pendant ce temps à Paris mon père et ma mère s’en sortaient aussi à peu près.

Maman avait laissé tomber le commerce des bonbons et des chocolats et faisait un peu d’alimentation.

Le hall de Papa avait rouvert. Mon frère Henry était rentré blessé de la guerre.

Il s’était marié avec Suzanne qui attendait un bébé ( votre futur cousin Michel). Elle était restée pour accoucher chez ses parents dans la creuse. Henry était resté chez mes parents.

 

Il y avait aussi à Paris, la tante Dorothée, la jeune sœur de mon père.

Avant la guerre elle avait vendu sa boutique de la rue de la Roquette à des commerçants juifs et avait acheté un autre commerce rue de la Chapelle. Elle y était toujours et son mari, l’oncle Perrin était toujours comptable dans une grosse société. Par peur des allemands, Dorothée décida de revenir dans le tarn. Elle mis comme gérante du commerce de la rue de la Chapelle une cousine de mon père dont le mari était fonctionnaire. Je crois que c’était lui qui était notre cousin. Le couple n’avait pas d’enfant et elle- même n’avait jamais travaillé mais elle surveillait les vendeuses et s’occupait des toilettes et cela lui plaisait bien.

Comme Dorothée était revenue à Bourgnounac, mon père s’est débrouillé pour venir la voir et nous voir aussi.

Il a franchi la ligne de démarcation je ne sais ni où ni comment mais il venait nous voir à peu près tous les deux mois.

Il venait à Toulouse voir Christian son premier petit fils et il passait à Bourgnounac à l’aller et au retour.

Pendant cette période papa et mon père parlaient très peu de leurs déplacements et des risques qu’ils prenaient mais moi ,j’ai eu souvent très peur qu’ils ne soient arrêtés.

J’ai eu quelques informations sur les activités de papa par Marfaing notre voisin qui avait épousé ma tante Rachel.

Je me souviens qu’un soir, le boulanger de Lévignac que je ne connaissais pas, est venu chercher papa mais surtout sa camionnette pour aller enterrer dans la forêt de Bouconne un allemand qui avait été tué.

Le plus inquiétant c’était que la seule route pour passer comportait un poste surveillé par les allemands à Blagnac.

J’ai passé une partie de la nuit à faire les cents pas dans ma chambre. Papa ne m’a jamais rien raconté.

Trente ans plus tard lorsque nous sommes allés chercher des champignons de ce côté j’ai essayé de le faire parler.

Il m’a dit : « je n’ai rien à voir, je ne conduisais pas la voiture, je ne sais rien, j’ai simplement prêté la voiture, c’est tout. »

Il me revient un autre souvenir de la guerre qui concernait la tante Dorothée.

A cet époque les petits commerçants comme nous ne passaient pas par les banques pour vendre ou acheter un commerce. On utilisait les services d’un marchand de fond ou peut-être d’un notaire. On payait une partie du commerce au comptant au moment de l’achat et le reste, la soulte en billets de fonds. C’est d’ailleurs comme cela que nous avions payé la boulangerie.

Donc on signait des billets de commerce à échéance fixe que l’on présentait, timbrés au vendeur. C’était le vendeur qui nous faisait crédit comme aujourd’hui la banque.

Donc, quelque temps avant la déclaration de guerre, la tante Dorothée avait vendu le commerce de lingerie de la rue de la roquette à Paris à un couple de commerçants juifs qui la payaient en billets de fond. Je n’ai jamais été bien au courant de l’affaire mais c’était en 1937 ou 1938 pendant que j’étais à Carmaux.

Or le soulte n’avait pas été payé pendant la guerre par les commerçants juifs qui avaient été arrêtés ou été partis. La cousine de pépé et son mari se sont occupés de récupérer le magasin.

On n’a jamais eu des nouvelles du couple de juifs ce qui fait qu’en 1945 la tante Dorothée était propriétaire de deux magasins. Elle avait pris ma belle sœur Suzanne comme vendeuse mais comme elle n’a pas voulu céder le magasin à mon frère Henry il décida d’acheter une alimentation. C’est à partir de ce moment là que Suzanne a commencé à déprimer et à être malade.

Nous, nous vivions à Toulouse et nous n’étions pas très au courant de leurs problèmes.

Nous nous entendions très bien avec Henry et Suzanne et nous nous écrivions très souvent.

Papa avait acheté une maison dans le quartier de La Lande chemin des Isards avec un jardin potager et mon père et ma mère après avoir vendu la boutique de Paris pensaient s’y installer.

Ils se rapprochaient ainsi de la tante Dorothée , la sœur de mon père qui avait acheté, sur les conseils de papa, une grande maison à Villariès. Et ils se rapprochaient aussi de moi car ma mère me sentait très démoralisée car j’étais enceinte de Louisette et papa se désintéressait de la boulangerie et refusait de reprendre les tournées. Il passait beaucoup de temps à jardiner à La Lande. Avec mon père, il avait fait faire une salle à manger exprès pour cette maison, la salle à manger basque que j’ai encore à Pégomas.

C’est à ce moment que toi, Henri tu as fait ton coup.

Tu passais souvent les journées à La Lande avec tes grand-parents . Or un jour où tu devais coucher chez eux, tu avais environ six ans, cela ne devait pas te plaire,. Alors tu t’es caché dans la malle de la voiture de papa. Papa est parti et Pépé et Mémé t’ont cherché partout.

Tout les habitants du quartier ont fait de même. Ne sachant que faire, ma mère m’a téléphoné

Pour me dire qu’ils t’avaient perdu. Papa n’était pas encore rentré car, comme d’habitude il s’arrêtait voir ses copains au café du faubourg Bonnefoy. Et c’est en sortant du café au moins deux heures après, qu’il a entendu du bruit dans la malle et qu’il t’a trouvé, comme toujours en pleine forme. Tout le monde t’a cajolé car nous avions eu trop peur et nous nous sentions tous responsables, chacun à notre manière.

 

Et c’est vers cet époque que Suzanne fit sa première tentative de suicide.

Suzanne était une jolie fille, parisienne. Mon frère l’adorait, gentille, douce mais que l’on avait beaucoup gâtée. Ma mère, mon père et Henry tous étaient à sa dévotion.

Comme Henry n’avait pu avoir la boutique de la rue de la Roquette, il a acheté une épicerie fine, d’après ce que l’on m’a dit, une très jolie boutique. Moi à cette époque j’avais trop de travail à la boulangerie, je ne montais jamais à Paris. Papa avait pris l’habitude d’y aller seul quand il le fallait.

Donc la boutique était bien mais l’appartement ne suffisait pas à Suzanne, alors ils avaient loué un appartement dans un immeuble voisin. D’après leurs lettres tout allait très bien.

Henry faisait l’ouverture du magasin tous les matins, Suzanne le remplaçait vers neuf dix heures, quand Michel était parti à l’école. Un matin, Henry n’a pas vu arriver Suzanne à dix heures,.

Il a pensé qu’elle avait quelque chose d’urgent à faire et ne s’est pas inquiété. Lorsque Michel sortant de l’école, est arrivé à la boutique, Henry lui dit d’aller voir ce que faisait sa mère.

Et c’est donc Michel qui devait avoir environ neuf ans qui l’a trouvée juste à temps puisqu’elle s’en est sortie après un passage en clinique.

Ma mère est montée à Pais en catastrophe. Elle gardait Louisette qui venait de naître, mais son fils et sa belle fille avait besoin d’elle, plus que moi. Mon père est resté à La Lande et ma mère est restée à Paris.

Et comme je trouvais que j’avais assez de travail, nous avons été chercher la mère de Papa à Saint Benoît pour s’occuper de Robert .

Puis Robert partit faire son service militaire au Maroc.

Henry a vendu sa boutique. Puis Suzanne, Michel et lui sont venus passer les grandes vacances avec nous à Toulouse et sont restés pour le baptême de Louisette à La Lande..

. Mon père est remonté lui aussi à Paris et il a même repris ses meubles.

Henry et Suzanne ont racheté une autre épicerie. Suzanne allait bien. Le jour du baptême elle m’avait confié : « Paulette , comment ai-je pu faire une telle chose pareille, moi qui adore mon petit Michel ». C’est elle qui était la marraine de Louisette. Janine l’a remplacée pour sa première communion.

Comme je n’avais plus ma mère pour s’occuper de Louisette je repris Madame Azéma. Elle avait un fils de l’age de Robert. Elle venait le matin et rentrait chez elle le soir. C’était une veuve de la guerre de 14. Je l’avais déjà employée pour Henri, cinq ans auparavant.

Mais le travail à la boulangerie avait évolué.

Les ouvriers devenaient plus revendicatifs. La concurrence était beaucoup plus forte que pendant la guerre. Il aurait fallu reprendre les tournées pour conserver tout le personnel.

Mais papa avait pris de mauvaises habitudes et il ne voulait pas reprendre les tournées car cela l’aurait obligé à travailler tous les jours. Il me laissait de plus en plus m’occuper de tout et ce n’était pas moi qui pouvait commander les ouvriers au fournil.

Alors j’ai accepté que l’on vende la boulangerie en me disant qu’il valait mieux que nous achetions une affaire , sans personnel et que je maîtriserais mieux toute seule.

Je crois que je suis allée trop vite. Je reviens aux années de guerre.

Papa ne travaillait plus la nuit au fournil car suite à de sévères contrôles fiscaux, l’inspecteur nous avait fait comprendre que comme nous n’étions pas au forfait mais en comptabilité déclarée, il était préférable d’embaucher des ouvriers au lieu de nous épuiser au travail.

Donc nous nous installons dans la guerre, moi au magasin et papa dans la Résistance et à la Croix rouge. Il contrôlait aussi le personnel pour le travail au fournil. Il lui arrivait de remplacer les ouvriers pour façonner et enfourner le pain.

Un jour alors qu’il était au travail dans le fournil, j’ai vu s’arrêter devant le magasin une voiture que nous connaissions que trop. Un allemand avec un fusil s’est présenté à la porte du magasin. Les clients qui faisaient la queue avec leurs tickets ne bougeaient plus. Deux allemands avec leurs pardessus jusqu’aux mollets et le troisième armé m’ont demandé à voir papa. Je leur ai indiqué la porte du fournil. Je ne pouvais rien faire. Il y avait un grand silence dans le magasin. Nous avions tous très peur. Papa, lui ne s’est pas affolé, il a continué à enfourner son pain. Ils l’ont poliment laissé finir puis ils l’ont questionné. Ils venaient réquisitionner notre voiture, la traction avant, mais il y avait longtemps que papa avait prévu le coup. Il a présenté un document tamponné par la préfecture qui indiquait que la voiture avait été vendue depuis plus d’un an à un bordelais. L’affaire en est restée là. Les allemands sont repartis. Comme il se méfiait des dénonciations, cette nuit- même, papa a été cherché la voiture qui était cachée en face de chez nous, chez Marfaing et l’a placée chez un autre client.

Cette histoire est arrivée un peu plus tard lorsque les allemands avaient envahi le sud de la France et papa était devenu plus coriace. Il fallait se méfier de tout et de tout le monde. Pour un oui, pour un non on te dénonçait. Dieu sait le nombre de contrôles que nous avons subis par la milice de Pétain. Heureusement, papa connaissait aussi beaucoup de miliciens. Il fallait nager entre deux eaux.

Un jour, des miliciens sont venus arrêter papa. Marfaing est venu tout de suite me prévenir. Je les ai vus mais je n’ai pu rien faire. Ils étaient deux et j’ai vu qu’ils étaient armés. Ils ont fait monter papa à l’arrière de la voiture et ils sont partis.

Papa m’a ensuite raconté qu’il est sorti tranquillement de la voiture lorsque la voiture a stoppé au feu rouge de la rue de Metz. Ils ne l’ont pas poursuivi et ne sont jamais revenus à la boulangerie.

Une autre fois, suite à une dénonciation, ils sont venus vérifier si nous avions de la farine blanche. Ils ont fouillé partout, dans les chambres, dans les armoires et même sous les lits. La bonne en était malade mais ils n’ont rien trouvé.

Il est vrai que nous avions des raisons de trafiquer pour obtenir de la farine potable car celle que l’on nous fournissait était de très mauvaise qualité, juste du blé écrasé. Quand c’était du blé. Alors Papa s’était fait donner une toile par le minotier avec l quelle il s’était confectionné un trémie, une sorte de tamis rectangulaire qui s’adaptait au pétrin.

On pouvait ainsi tamiser un peu de farine et avoir du pain de meilleure qualité que l’on réservait à nos amis sûrs et aussi au boucher.

Pour le pain « normal » nous avions les tickets de rationnement.

Mais les Allemands trouvaient que nous consommions trop de pain et pour baisser cette consommation, ils ont imaginé de nous faire manger du pain dur. Ils ont décidé de nous faire fermer la boulangerie un jour sur deux.

Quelques temps auparavant, alors que nous étions encore en zone libre sous le contrôle de Pétain et des miliciens nous avons dû fermer la boulangerie pour 15 jours. Alors pour nous changer les idées, nous avons pris des vacances. C’était la première fois depuis que nous avions acheté la boulangerie. Nous sommes allés à Luchon. Et c’est là que au cours d’une promenade, nous avons commandé Henri.

Henri qui est naît le 19 mai, le lendemain du bombardement de l’aéroport de Montaudran.

Nous n’avions ni eau ni électricité. Pour pouvoir faire le pain, Papa avait éclairé le fournil avec les phares d’une voiture. Pour l’eau, Emile Fonquerni un ami de Papa qui était mécanicien nous avait procuré des fûts de vin blanc et les pompiers sont venus nous les remplir avec leur citerne. Cela a été une sacrée journée.

Et le lendemain je suis allé accoucher à la clinique des teinturiers à Toulouse.

C’est ma cousine Germaine qui m’a accompagnée. Je l’avais fait venir de Carmaux car je ne voulais pas être seule au moment de l’accouchement comme lors de la naissance de Christian.

C’est elle qui t’a vu la première. Elle n’osait pas me dire que j’avais un autre garçon.

Papa à cette époque était volontaire de la croix rouge et il avait fort à faire suite au bombardement. Les forteresses volantes américaines avaient fait beaucoup de dégâts.

A chaque bombardement, toujours la nuit, l’alerte était donnée par les sirènes. Il fallait ouvrir les portes et les fenêtres, sortir rapidement des maisons et se terrer dans des abris si l’on en avait. Tout de suite les hôpitaux et les cliniques signalaient leur position en envoyant vers le ciel des fusées vertes et bleues. Et puis la DCA allemande se mettait en action.

Un soir, lors d’un bombardement, Papa a voulut revenir à la maison pour aller chercher quelque chose. Pour se protéger des impacts de la DCA, il s’est mis sur la tête une bassine en aluminium du fournil. Quand il est revenu, elle était toute cabossée. Nous l’avons gardé longtemps en souvenir.

Nous nous mettions sous un abri en tôle. Je tenais Henri dans mes bras. Christian lui était à côté de nous. Il portait le petit coffre où nous avions notre argent.

 

Et puis il y a eu l’affaire de Saint Lys.

Papa a eu beaucoup de chance. Au moment de la rafle, il était rentré à la boulangerie pour son travail. Beaucoup de résistant du MLN ne sont jamais revenus de Saint Lys. Le MLN a été énormément désorganisé.

Par crainte d’être arrêté par les Allemands nous avons décidés de cacher les enfants dans la famille dans le Tarn. Un soir, malgré le couvre feux, nous sommes partis pour Carmaux.

Nous avons installé Henri à Saint Benoît avec la mémé et le pépé Jaladieu et Christian à Calvares avec Marfaing et la tante Rachel.

Marfaing avait peur des bombardements à Toulouse et nous lui avions prêté la maison de mon père à Calvares près de Bourgnounac.

Vous y êtes restés jusqu’à la fin de la guerre.

Henri, c’est à Saint Benoît que tu as appris à marcher.

Comme je craignais que nous soyons arrêtes par les allemands, j’ai voulu vous laisser un souvenir de vos parents. Nous sommes allés chez un grand photographe de Carmaux qui nous a fait la photo où nous sommes tous les quatre.

 

                                                             famille jaladieu 1943

 

 

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Paulette Jaladieu
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